50073361Fin des années 80, il semblait bien que l’histoire était terminée pour les Rolling Stones. Jagger et Richards ne se parlent plus, surtout depuis que le premier privilégie sa carrière solo ; les derniers albums ont été accueillis tièdement, malgré quelques titres à succès ; Ian Stewart, le pianiste de l’ombre, est mort et Charlie Watts est victime de ses addictions au point d’empêcher le groupe de tourner. Et puis en 1989 le miracle a lieu. Alors que le groupe s’apprête à être intronisé au Rock And Roll Hall Of Fame, les deux leaders décident d’enterrer la hache de guerre et Watts arrive enfin à vaincre ses démons. Bref un nouvel album est rapidement mis en branle et sera considéré à l’époque comme un come back du groupe (terme un peu abusif quand même).

Morceau joyeux (un comble vu le titre) et dont le riff d’intro n’est pas sans rappeler celui de « Start Me Up », « Sad Sad Sad » rassure d’emblée. Si on n’est pas en présence d’un grand titre des Stones (il est un peu trop impersonnel pour ça), il présente bien et est parfait pour mettre dans l’ambiance. Le refrain, soutenu par de discrets cuivres, semble calibré pour les stades et est plutôt réussi. Oui, les Stones sont en forme et ça fait plaisir. « Mixed Emotions » a un petit côté 60’s, mais avec un son typiquement 80’s. Un peu plus en retenu que « Sad Sad Sad », il a pourtant tout d’un tube et sera d’ailleurs leur dernier aux USA (N°5). Le groupe est encore gagnant sur le moins connu « Terrifying » sur lequel on retrouve le délicieux mélange de Disco/Funk avec le Rock classique des Stones qui a déjà fait des miracles par le passé (« Miss You »). La section rythmique du groupe est une des plus efficaces du monde et la basse mélodieuse de Bill Wyman, la frappe carrée de Charlie Watts et les accords tranchants de Richards font des merveilles tandis que la voix sensuelle de de Jagger se fait caressante et que différents instruments (la guitare de Ronnie Wood, la trompette de Roddy Lorimer et les claviers de Chuck Leavell et Matt Clifford) viennent enrichir le morceau. S’ensuivent le Rock N Roll remuant de « Hold On To Your Hat » où Ronnie Wood se prend pour Scotty Moore et le Blues Rock cool et classe de « Hearts For Sale », des titres qui font du bien par où ils passent. En revanche la ballade Country « Blinded By Love » est un peu trop cliquante et doucereuse, bien loin des meilleures du groupe.

Avec son Rock brillant et dansant, « Rock And A Hard Place » est probablement le meilleur morceau de l’album et aurait mérité mieux qu’une triste 23ème place aux charts américains (je ne parle même pas de son classement en Angleterre – n°63) tant ce titre aurait dû devenir un classique des Stones. Il a tout pour séduire: un riff entrainant, une ligne de chant mélodique, une ligne de basse funky et un superbe solo de Ronnie Wood. Le Rock entrainant de « Can’t Be Seen » permet à Keith Richards d’avoir sa petite performance de chanteur. Et si la ligne de chant manque d’une certaine accroche, c’est loin d’être le plus ennuyeux des titres chantés par le guitariste, au contraire. Ça devait faire huit ans et le sublime « Waiting On A Friend » (et encore le titre datait en réalité de 1973 !) que les Stones ne nous avaient pas servis une ballade aussi convaincante que « Almost Hear You Sigh ». Celle-ci a un côté typiquement 80’s (mais bon, c’est le cas de tout l’album du fait de la – très bonne – production de Chris Kimsey) mais ce sont malgré tout les instruments organiques – les guitare, la batterie, le piano et la voix – qui sont en avant. Et puis c’est la surprise avec « Continental Drift », titre que le groupe est allé enregistrer au Maroc avec des musiciens locaux. Oui, les Rolling Stones jouent à Page et Plant cinq ans avant le fameux Unledded en nous livrant ce petit bijou de Pop/Rock arabisante. Certains le trouveront peut-être un peu kitsch à cause de certains partis pris de la production, mais l’atmosphère reste inédite dans le répertoire du groupe. Après ça le Bluegrass de « Break The Spell » marque moins, mais il a malgré tout un aspect bien moite qui le rend tout à fait réussi. Keith Richards reprend alors le micro pour « Slipping Away », une ballade sans prétention qu’il nous chante avec un romantisme de pilier de bar et qui, comme sur Dirty Work, termine l’album en douceur.

Bref Steel Wheels est une vraie réussite et est, ne retenons pas le suspens plus longtemps, le meilleur album du groupe réalisé durant les années 80. C’est d’ailleurs aussi le dernier grand album des Stones. S’ensuivit une tournée colossale avec Living Colour et Guns N Roses en première partie. Tournée qui sera hélas la dernière avec Bill Wyman…

Titres:
1. Sad Sad Sad
2. Mixed Emotions
3. Terrifying
4. Hold On To Your Hat
5. Hearts For Sale
6. Blinded By Love
7. Rock And A Hard Place
8. Can’t Be Seen
9. Almost Hear You Sigh
10. Continental Drift
11. Break The Spell
12. Slipping Away

Musiciens:
Mick Jagger: Chant, guitare, claviers, harmonica
Keith Richards: Guitare, chant
Ronnie Wood: Guitare, basse
Bill Wyman: Basse
Charlie Watts: Batterie

Chuck Leavell: Claviers
Matt Clifford: Claviers
Phil Beer: Mandoline, violon
Roddy Lorimer: Trompette
Bernard Fowler, Lisa Fisher, Sarah Dash & Tessa Niles: Choeurs

Production: Chris Kimsey , Mick Jagger & Keith Richards