Sur ce second album au titre inspiré par une rue du quartier français de la Nouvelle-Orléans (la photo de la pochette fut d’ailleurs prise dans un ancien bordel de la rue), les Doobie Brothers étaient passés de quatre à cinq membres, avec deux nouveaux arrivants. Le bassiste Dave Shogren parti en cours d’enregistrement suite à des divergences avec le producteur Ted Templeman, Tiran Porter, un ancien partenaire de Simmons dans un trio nommé Scratch, prenait sa place, et on ajoutait un second batteur en la personne de Michael Hossack (ex-Mourning Reign).

Si « Toulouse Street » ne marque pas de véritable rupture avec le précédent album, on notait tout de même quelques évolutions dans l’approche à cheval entre folk et country rock des débuts. Le premier titre « Listen To The Music » combine par exemple des arrangements inspirés de la country, avec un joli fond de banjo, et un refrain extrêmement joyeux qu’on pourrait assimiler à l’efficacité mélodique rencontrée habituellement dans la musique pop. Avec ses paroles naïves et ses rêves de paix et d’amour universels très en vogue à l’époque, cette chanson restera comme un grand classique du répertoire des Doobie Brothers. Plus rock, « Rockin’ Down The Highway » n’est pas loin de mettre le feu à l’album, un feu vite contenu par les deux titres qui suivent, dans un registre folk de belle tenue, notamment le morceau-titre, l’un des rares interprétés par Patrick Simmons qui nous avait déjà montré sur le précédent album qu’il était assez friand de ce genre d’atmosphères délicates et touchantes. Les trois titres suivants sont des reprises, mais pas n’importe quel genre de reprises. « Cotton Mouth », une composition du duo folk Seals & Crofts, prend une autre dimension dans cette version onctueuse, enrichie de cuivres et d’une vigueur qu’était loin de posséder la version originale. Autre reprise à laquelle les Doobie Brothers donnent un bon coup de fouet, l’excellent « Jesus Is Just Alright », un morceau gospel enregistré pour la première fois à la fin des années 60 par The Art Reynolds Singers, puis reprise peu après par les Byrds. De toutes ces versions, celle des Doobie Brothers est de loin la plus délectable. Le groupe donne à cette chanson un souffle qu’elle n’avait pas du tout dans les précédentes interprétations, et lui greffe pour ne rien gâcher un pont blues inédit du plus bel effet. On peut dire que Patrick Simmons et ses compagnons se sont joliment appropriés ce morceau qui deviendra comme le premier titre un des grands classiques du répertoire des Doobie Brothers. Enfin, avec encore un beau renfort de cuivres et sur un tempo enfiévré, « Don’t Start Me To Talkin’ » (de Sonny Boy Williamson) nous offre un beau numéro de blues, registre dans lequel Tom Johnston se balade comme dans son jardin. La suite un peu moins marquante nous ramène à la musique folk, avec deux titres où Tom Johnston n’est accompagné que d’une guitare (« White Sun » et « Snake Man »), entrecoupés par un rock au riff assez hard (Disciple) qui s’étire tout de même agréablement sur près de sept minutes dans une atmosphère de concert propre à beaucoup de disques de cette belle époque.

Comme l’album suivant, « Toulouse Street » est de ces albums qui non seulement ne lassent pas, mais auraient même tendance à se bonifier avec le temps. Grâce à des titres forts comme ses deux singles, « Listen To The Music » et « Jesus Is Just Alright », l’album finira d’ailleurs par être certifié platine aux États-Unis, une quinzaine d’années après sa sortie, pour plus d’un million d’exemplaires écoulés.

Tracklist :
01. Listen To The Music
02. Rockin’ Down The Highway
03. Mamaloi
04. Toulouse Street
05. Cotton Mouth (reprise Seals & Crofts)
06. Don’t Start Me To Talkin’ (reprise Sonny Boy Williamson)
07. Jesus Is Just Alright (reprise The Art Reynolds Singers)
08. White Sun
09. Disciple
10. Snake Man

Musiciens :
Tom Johnston : chant, guitare, chœurs
Patrick Simmons : guitare, chant, chœurs, banjo (1)
Tiran Porter : basse, chœurs
John Hartman : batterie, percussions
Michael Hossack : batterie
__
Bill Payne : piano, orgue
Dave Shogren : basse (4), guitare acoustique (4), chœurs (8)
Jerry Jumonville : saxophone
Jon Robert Smith : saxophone
Joe Lane Davis : saxophone
Sherman Marshall Cyr : trompette
Ted Templeman : percussions

Label : Warner

Production : Ted Templeman