Si LES VARIATIONS n’est pas historiquement le premier groupe de Rock français, il est plus probablement un des premiers à s’être lancé dans le Heavy-Rock, à avoir poussé les potards aussi loin. Formé en 1966 autour de musiciens ayant, pour la plupart, grandi au Maroc, LES VARIATIONS n’ont pas eu un parcours facile. Les musiciens ont eu à faire face à une industrie musicale pas forcément bienveillante à leur égard au début et à payer de leurs personnes pour parvenir à faire leur trou. Ils ont tourné autant qu’ils pouvaient en France, mais aussi en Allemagne et en Scandinavie, puis ont sorti quelques singles: « Mustang Sally » (une cover de Wilson PICKETT) en 1967, puis « Come Along », « What’s Happening » en 1969.

Il faut attendre 1970 pour que LES VARIATIONS sortent leur premier album studio. Celui-ci a été enregistré à Londres et a pour titre Nador, qui est le nom d’une ville au Maroc au bord de la Méditerranée. Car les musiciens du groupe, s’ils sont influencés par le Rock britannique et les premiers balbutiements du Hard Rock, sont restés attachés à leurs racines méditerranéennes et cela s’entend à travers certaines mélodies.

Pour son premier album, LES VARIATIONS donne tout ce qu’il a dans le ventre et se montre parfaitement dans son élément dans le registre du Hard Rock et fait mouche avec l’énergique « What A Mess Again », très cru mais terriblement accrocheur qui envoie bien et sur lequel le chanteur Joe Lebb (qui ressemble énormément à Mick Jagger) semble littéralement possédé par instants, « Free Me », un titre bien ancré dans son époque (la fin des 60’s et les 70’s naissantes) qui fait taper du pied et qui voit apparaitre au milieu des décibels quelques mélodies de guitares acoustiques, ou encore « Generations », un morceau aux guitares acérées dont le texte écrit en français a un contenu socio-politique en phase avec le contexte de l’époque et apparait comme un véritable cri de coeur, de révolte d’une jeunesse désireuse de s’émanciper. Si « But It’s Alright » s’inscrit également dans le créneau du jeune Hard Rock avec ses guitares tourbilonnantes, sa rythmique effrénée, il met aussi en valeur les influences orientales du groupe par le biais d’un solo de darbouka (un instrument de percussion qui vient du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, des Balkans) qui apporte une touche colorée originale à ce titre, l’enrichit même. Cet instrument apparait aussi sur l’instrumental orientalisant « Nador », qui fait la part belle aux guitares sèches, acoustiques et réussit à faire planer, transporter. Assez cousin du Hard Rock, « Mississippi Woman » est un Rock n’ Roll Boogie parsemé de piano qui est endiablé, irrésistible, un véritable régal pour les oreilles à l’écoute des notes de piano, de guitares et possède tout ce qu’il faut pour séduire des stations de radios/webradios orientées Classic-Rock. LES VARIATIONS opèrent également dans le Blues-Rock à l’occasion, comme de nombreuses jeunes formations de Hard Rock de l’époque d’ailleurs, et se montrent à la hauteur, que ce soit sur le mid-tempo rampant « Waiting For The Pope » aux mélodies subtiles, par instants lumineuses, hypnotiques (notamment au niveau des envolées guitaristiques) qu’un certain Jimi Hendrix en personne aurait certainement applaudi avec ferveur ou sur le chaleureux et incandescent « Completely Free », le titre le plus long de l’album sur lequel le groupe montre son sens aiguisé du groove, le guitariste Marc Tobaly s’en donnant à coeur joie tant niveau riffing qu’en solo. Plus connoté Pop-Rock, « We Gonna Find A Way » est empreint de sensibilité, d’élégance avec des mélodies imparables, un somptueux refrain repris en choeur, plus quelques notes de piano en renfort au point que ce titre aurait pu faire un chouette hit à l’époque si la chance avait été au rendez-vous et si les radios françaises de l’époque l’avaient mis en avant (cela fait pas mal de « si » dans un pays comme la France).

Dans la lignée des LED ZEPPELIN, Jimi HENDRIX, CREAM, HUMBLE PIE, ce premier album des VARIATIONS est un sans-faute, de l’excellent Hard Rock teinté de Blues-Rock avec des chansons qui réussissent à captiver l’attention. La voix puissante, hargneuse et chaleureuse de Joe Lebb est un atout considérable pour le groupe, tout comme le jeu de guitare de Marc Tobaly et la section rythmique Jacques Grande/Jacky Bitton a fait efficacement le reste. Nador est un grand disque, un incontournable du Rock made in France qui, à défaut de s’être vendu par millions, a certainement contribué à ouvrir des brèches dans lesquelles se sont engouffrées de nombreux groupes français par la suite.

Tracklist:
1. What A Mess Again
2. Waiting For The Pope
3. Nador
4. We Gonna Find A Way
5. Generations
6. Free Me
7. Completely Free
8. Mississippi Woman
9. But It’s Alright

Line-up:
Joe Lebb (chant)
Marc Tobaly (guitare)
Jacques Grande (basse)
Jacky Bitton (batterie)
+
Mick Fowler (piano)
Youssef Berrebi (darbouka)

Label: Pathé