Suite à une cruelle déception sentimentale, la mort de plusieurs amis (Hendrix, Duane Allman), Clapton s’était retiré du monde de la musique depuis quasiment deux ans pour devenir un véritable junkie. Dans la tête de beaucoup, il est le prochain sur la liste des défunts du Rock. C’est probablement ce que pense aussi son pote Ronnie Wood (alors guitariste des Faces) qui demande à un ami commun, Pete Townshend (guitariste de… mais vous le savez ça) d’organiser un concert mettant Clapton en vedette dans l’espoir de le faire décrocher de l’héroïne. Townshend accepte et réunis d’autres potes de Clapton comme Steve Winwood et le bassiste Ric Grech (ce qui fait qu’on a là les trois quart de Blind Faith) ainsi que le batteur Jim Capaldi, le percussionniste Rebop Kwaku Baah (ce qui fait qu’on a là une bonne partie de Traffic) et le batteur Jimmy Karstein pour soutenir un Capaldi de moins en moins passionné par les tambours. Clapton accepte et après des répétitions chez Wood le groupe monte sur la scène du Rainbow Theater de Londres le 13 janvier 1973 pour deux concerts – eh oui c’était le temps où les groupes effectuaient fréquemment deux prestations par jour ! – exceptionnels.

Evénement mythique car il ramena Clapton à la musique (menant au véritable début de sa carrière solo avec le succès que l’on sait), il fut évidement enregistré et une version album en présentera quelques extraits six mois plus tard. La version originale de Eric Clapton’s Rainbow Concert montrait une répartition plutôt équitable. Un titre de Cream (« Badge »), un de Blind Faith (« Presence Of The Lord »), un de son album solo (la reprise de J.J. Cale « After Midnight »), deux de Derek & The Dominos (« Roll It Over » et la reprise d’Hendrix « Little Wing »). A quoi l’on ajoute un titre de Traffic (« Pearly Queen ») rappelant qu’une partie du groupe était là. Mais, franchement, six titres pour témoigner de deux concerts où étaient à chaque fois interprétés quinze morceaux (avec en plus quelques changements d’un concert à l’autre) c’était au mieux pingre, au pire du foutage de gueule. Surtout quand l’on sait qu’on été joués des classiques comme « Layla », « Let It Rain » ou « Crossroads » ! Heureusement, la version CD de 1995 a permis de voir édité un concert presque complet, même s’il s’agit d’une compilation de titres des deux prestations, et même si on déplorera qu’un titre aussi dantesque que « Why Does Love Got To Be So Sad? » n’ait toujours pas été intégré (pour permettre de tenir sur un seul CD) ? On rêve d’une version deluxe qui regrouperait l’intégralité des deux concerts (pour les 50 ans l’année prochaine ? On croise les doigts !). En attendant, il faudra se satisfaire des versions bootlegs facilement trouvables…

Que dire sur la prestation en tant que telle ? Elle particulièrement rugueuse, témoin d’un groupe loin d’être rodé. Ce sera peut-être un défaut pour certains (le groupe ne se lâche pas complètement et l’interprétation est moins ‘pro’), mais ce sera aussi l’une des dernières fois que l’on entendra Clapton aussi Rock et brut. Au niveau des temps forts, Ronnie Wood tient sur « Layla » la partie de slide du regretté Duane Allman, ce qui permet de jolis échanges entre Clapton et lui tandis que Townshend assume la rythmique de sa poigne de fer. On appréciera aussi ces versions bien Rock de « Badge », du trop méconnu « Blues Power », de « After Midnight » ou encore de « Let It Rain ». Difficile de ne pas mentionner également cette très belle version de « Pearly Queen » de Traffic qui bénéficie à merveille des interventions du héros du jour ou cette version très réussie de « Little Wing » qui fait honneur à Hendrix. On remarquera enfin que tant vocalement (qui n’a jamais été son point fort) que d’un point de vue de sa dextérité, Clapton ne semble pas avoir tellement pâti de son régime élevé de stupéfiants et du manque d’activité musicale. Le reste du groupe est impeccable, le soutenant efficacement sans essayer de lui voler la vedette.

Si en l’état Eric Clapton’s Rainbow Concert n’est pas l’album live le plus incontournable du monde, il reste un témoignage d’un moment important du Rock anglais. Encore une fois, il serait bon d’avoir enfin en version officielle de l’intégralité des deux concerts qui sous cette forme pourrait bien devenir l’album live définitif de la carrière solo de Clapton. Cette époque juste avant qu’il ne se laisse glisser paresseusement dans un Rock indolent et sans beaucoup d’éclat malgré quelques gros succès commerciaux.

Titres:
1. Layla (bonus)
2. Badge
3. Blues Power (bonus)
4. Roll It Over
5. Little Wing
6. Bottle Of Red Wine (bonus)
7. After Midnight
8. Bell Bottom Blues (bonus)
9. Presence Of The Lord
10. Tell The Truth (bonus)
11. Pearly Queen
12. Key To The Highway (bonus)
13. Let It Rain (bonus)
14. Crossroads (bonus)

Musiciens:
Eric Clapton: Chant
Pete Townshend: Guitare
Ronnie Wood: Guitare
Steve Winwood: Claviers, chant
Ric Grech: Basse
Jim Capaldi: Batterie
Jimmy Karstein: Batterie
Rebop Kwaku Baah: Percussions

Production: Bob Pridden