Lorsque sort le 3ème album de Happy End en février 1973, le groupe vient de jeter l’éponge. En effet le combo se sépare le 31 décembre 1972.

Pour ceux qui ont loupé une étape, Happy End est groupe japonais qui a marqué l’histoire du rock nippon. Né des cendres d’Apryl Fool dans la banlieue de Tokyo fin 69, il regroupe le bassiste Haruomi Hosono, le batteur Takashi Matsumoto, le guitariste Shigeru Suzuki et le chanteur/guitariste 12 cordes Eiichi Ohtaki qui en 1970 impriment le Lp はっぴいえんど (Happii Endo), excellent 33-tours largement inspiré par Neil Young. Il est le premier disque rock chanté sans complexe en japonais. Happy End prouve que l’on peut faire du bon rock avec des paroles japonaises.

L’année suivante, le quatuor récidive avec le formidable 日本語ロック論争 (Nihongo Rokku Ronsō). S’offre alors l’occasion pour Happy End d’enregistrer leur 3ème Lp aux USA. En effet, les musiciens signent chez King Record qui les envoie à Los Angeles avec à la production et aux arrangements Van Dyke Parks, connu pour ses travaux avec Frank Sinatra, Brian Wilson, Randy Newman… Jouant de l’orgue et du piano, ce dernier fait appel à une section de cuivres (le saxophoniste Tom Scott, le joueur de cor d’harmonie David Duke, le trompettiste Chuck Findley et le tromboniste Slyde Hyde) ainsi qu’à deux membres de Little Feat (le pianiste Bill Payne et à la slide guitar Lowell George).

Mais les enregistrements ne se passent pas très. Si la collaboration avec Van Dyke Parks est formatrice pour les japonais, le producteur à tendance à dénaturer la musique de Happy End. De plus la barrière de la langue et le refus d’obtempérer du personnel de studio sont loin d’arranger les choses.

Eponyme mais cette fois-ci écrit en anglais, ce 33-tours offre 9 chansons toujours chantées en japonais. Musicalement on s’éloigne de ce rock country respirant les grands espaces qui caractérisait les œuvres précédentes. Ici le combo nous propose une pop folk proche du smooth jazz aux mélodies sucrées et arrangements bien soignés.

Ce sont les cuivres qui ouvrent le bal sur « 風来坊 » (Fuuraibou) pour une jolie balade nostalgique un brin jazzy parsemée d’harmonies vocales majestueux. On reste dans le même registre avec « 氷雨月のスケッチ » (Hisame Gatsu No Sukecchimais) en plus ensoleillé. Avec son sax charmeur « 明日あたりはきっと春 » (Ashita Atarihakitto Haru) sent l’insouciance et la légèreté. Avec sa guitare fuzz en arrière-plan, « 無風状態 » (Mufuu Joutai) est peut-être la chanson qui nous renvoie aux deux premiers vinyles prenant soin tout de même de caresser dans le sens du poil. On peut en dire autant pour « 田舎道 » (Inakamichi) au rythme plus rapide. Idem pour le rustique « さよなら通り3番地 » (Sayonara Toori 3 Banchien), sauf que les cuivres rappellent les Beatles. « 相合傘 » (Sou Gou Kasa) vire entre l’exotisme et le bluegrass. « 外はいい天気«  (Soto Haii Tenki) est une balade naïve. « さよならアメリカ さよならニッポン » à l’ambiance saloon désenchanté termine ce disque aux propos amers. Titres qu’il faut traduire par « Adieu l’Amérique, Adieu le Nippon » résumant la frustration et les désillusions qu’a connu Happy End durant son séjour à Los Angeles. Les paroles sont sans équivoque comme le raconte Takashi Matsumoto : « On a déjà abandonné le Japon et on dit aussi adieu à l’Amérique. On appartient à aucune identité ». Triste fin.

Titres :
1. 風来坊
2. 氷雨月のスケッチ
3. 明日あたりはきっと春
4. 無風状態
5. さよなら通り3番地
6. 相合傘
7. 田舎道
8. 外はいい天気
9. さよならアメリカ さよならニッポン

Musiciens :
Haruomi Hosono : Basse
Takashi Matsumoto : Batteur
Shigeru Suzuki : Guitare
Eiichi Ohtaki : Chant, Guitare 12 cordes
+
Tom Scott : Saxophone
Dave Duck : Cor d’Harmonie
Van Dyke Parks : Orgue Piano
Billy Payne : Piano
Lowell George : Slide Guitar
Slyde Hyde : Trombonne
Chuck Findly : Trompette

Production : Van Dyke Parks