Peu de temps après la publication du disque éponyme en 1968, le guitariste/chanteur Dave Mason quitte Traffic. Déconvenue qui oblige l’organiste/chanteur Steve Winwood à dissoudre le groupe alors en pleine tournée nord-américaine. Mais le jeune claviériste ne perd pas au change. En effet, il lui est proposé une offre qu’il ne peut refuser. Le jeune claviériste rejoint le guitariste Eric Clapton, le batteur Ginger Baker et le bassiste Ric Grech pour former un super groupe du nom de Blind Faith. Mais l’aventure Blind Faith sera de courte durée, un album imprimé en 1969 et une petite tournée. Clapton étant peu satisfait du résultat met fin à l’expérience.

Le champ est donc libre pour une reformation de Traffic que l’on croyait ne plus revoir. Steve Winwood rappelle le batteur/chanteur Jim Capaldi et le saxophoniste/flûtiste Chris Wood qui entretemps avaient retrouvé Dave Mason pour Wodden Frog sans lendemain. Réunion qui se fait sans Dave Mason se consacrant à sa carrière solo. Réduit à un trio, celui-ci imprime en 1970 pour le compte d’Island, John Barleycorn Must Die.

Ce 4ème effort de la formation anglaise est un excellent album de rock prog alors tendance à ce moment-là par ses changements de climats et de tempos. Pour ceux qui ne le savent pas, le rock progressif est une volonté de s’émanciper des influences américaines, excepté pour le jazz dont la démarche est considérée comme intellectuelle, en y fusionnant musique classique et patrimoine local. John Barleycorn Must Die va être l’exception qui confirme la règle car les musiciens trouvent leurs ressources de l’autre côté de l’atlantique comme ils l’ont fait à chaque fois.

Le disque s’ouvre pied au plancher sur l’instrumental « Glad » qui mélange blues et atmosphères religieuses par l’orgue, le jazz par le sax, le funk par la batterie et la basse mais également le boogie et la symphonique par le piano. Titre qui passe d’un rythme rapide pour se finir dans des errances planantes et majestueuses. Belle entrée en matière, longue de 7 mn, qui s’enchaine sans temps mort sur « Freedom Rider ». Voilà un morceaux soul chanté par Steve Winwood à la voix désespérée et nostalgique où se croisent une flûte joviale et un saxophone rampant. La face A se termine avec l’insouciant et céleste « Empty Pages », plus standard où l’on est tout de même charmé par les mélodies boogie blues du piano électrique.

La face B débute avec « Stranger to Himself » aux propos country. On connaissait les performances de Steve Winwood aux claviers mais moins à la guitare. Prenant la six-cordes électrique, il nous élabore des soli acid rock à faire oublier Dave Mason. Arrive le titre qui donne le nom au 33-tours, « John Barleycorn ». Il s’agit d’une chanson traditionnelle dont la première version connue date de 1782 du poète écossais Robert Burns. Elle raconte comment l’orge (Barley en anglais), personnifié sous les traits de John Barleycorn, subit diverses brimades (enterré, fauché, réduit en poudre et finalement noyé). En fait cela évoque la culture de l’orge jusqu’à sa transformation en bière. Sur fond d’atmosphère celtique, moyenâgeuse et traversé d’une flûte feutrée, Traffic nous en donne une magnifique version folk, mélancolique, pastorale, champêtre et épique. L’affaire se termine par la ballade soul et nostalgique « Every Mother’s Son » dépassant les 7 mn. Si là encore Steve Windwood excelle à la gratte aux décors désabusés, il nous gratifie à l’orgue d’un fantastique pont aérien.

Avec John Barleycorn Must Die, le groupe anglais venait de trouver la bonne formule.

Titres :
1. Glad
2. Freedom Rider
3. Empty Pages
4. Stranger To Himself
5. John Barleycorn
6. Every Mother’s Son

Musiciens :
Steve Winwood : Orgue, Piano, Guitare, Basse, Chant
Chris Wood : Saxophone, Flûte
Jim Capaldi : Batterie, Percussions

Production : Chris Blackwell, Steve Winwood, Guy Stevens

https://music.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_k5dupuxtmiDht20LO48utNh-HL26zHHbE