La publication de John Mayall Play John Mayall en 1965 n’est pas au rendez-vous artistiquement et commercialement. Ce qui oblige le chanteur/multi instrumentiste anglais fan de blues à réagir. D’autant que son guitariste, Roger Dean s’en est allé vers d’autres horizons (il intégrera les formations Nu Notes, Spike Island, The Bluejays… avant de devenir le premier musicien occidental à jouer en Chine en 1978 et décéder en aout 2008). Avec le bassiste John McVie et le batteur Hughie Flint, John Mayall voit là peut être l’occasion de trouver un nouveau souffle. L’heure est au blues rock avec ces guitaristes prêts à dégainer, à l’image des Stones et à l’affut les Yardbirds. Il lui faut donc trouver un champion de la six cordes électrique pour être dans le coup.  Par exemple un de la trempe de celui occupant le poste chez les Yardbirds qui en 64 balancent le destructeur Five Live Yardbirds. L’opportunité se présente en avril 1965 lorsque le guitariste des Yardbirds quitte le combo pour divergence musicale. Le pistolero en question n’est autre qu’Eric Clapton devenu la coqueluche parmi les jeunes anglais branchés blues et où son jeu impressionne. 15 jours après en avoir fini avec son ancien groupe, ce dernier est contacté par John Mayall pour intégrer les Bluesbreakers. Le courant passe bien car les deux protagonistes ont une vision commune du blues.

En mai 1966, les Bluesbreakers entrent en studio pour pondre le second opus de John Mayall. Publié en juillet de la même année pour le compte de Decca. Il est intitulé Blues Breakers With Eric Clapton avec 12 pistes au compteur pour un excellent disque de blues à l’anglaise.

S’ouvrant avec une reprise d’Otis Rush, « All Your Love » on est rapidement époustouflé par cette chanson pesante, par ce blues stoner qui vire au rhythm’& blues. Moins sauvage que dans Five Live Yardbirds, Clapton surprend toujours autant avec ses soli fluides au feeling incroyable rempli d’émotions et d’une justesse incroyable. Mais il y a aussi ce son, limite agressif. Le guitar heroe durant les sessions à mis les potards de son ampli à fond apportant saturation au morceau (ainsi que ceux qui suivront). Les ingés son restent dubitatifs face à ses sonorités dont ils n’ont pas l’habitude. Mais John Mayall laisse aller, faisant confiance à son protégé. Avec une telle ouverture fracassante, on peut parler de heavy blues.

Entre stoner, rythm’& blues et cuivres à la BB King (assurés par les saxophonistes Alan Skidmore et Johnny Almond ainsi que le trompettiste Derek Healey), entre un John Mayall qui assure guitare rythmique, orgue et harmonica ainsi que le groove de la basse de John McVie le reste va être du même calibre. On y trouve des reprises : les instrumentaux « Hideaway » (Freddie King) et « Steppin’ Out » (Memphis Slim), le tapageur « What’d I Say » (Ray Charles) où Hughie Flint se paye le luxe d’un solo de batterie, le sombre « Parchman Farm » (Mose Allison), le speed « It Ain’t Right » (Little Walter) mais surtout « Ramblin’ On My Mind » (Robert Johnson) où Clapton s’essaye pour la première fois au chant. Peu enclin à cet exercice il tente même la compo, aidé de John Mayall sur le titre « Double Crossing Time ». Et question compositions, John Mayall propose « Little Girl », « Another Man », « Key to Love » et « Have You Heard ». Certes le multi instrumentiste n’est pas un grand chanteur mais il y met de la conviction, du cœur et de l’âme.

Bref, John Mayall, Eric Clapton, John McVie et Hughie Flint proposent un Lp précurseur de biens de choses pour une pierre angulaire du british blues boom, popularisant ainsi une musique afro-américaine.

Pour l’anecdote, ce 33-tours fût surnommé The Beano Album lié à la photo de couverture prise contre un mur en plein froid. Clapton, furibard se procure un BD Beano pour se calmer. Plongé dans la revue, il ignore qu’il est photographié.

Passant de guitariste doué au dieu de la guitare (Clapton Is God), Eric Clapton se sépare des Bluesbreakers peu de temps après dans l’idée de former un super groupe. Quant à John Mayall, face à la réussite de Blues Breakers With Eric Clapton, il se verra contraint de devenir un défricheur de talents.

Titres :
1. All Your Love
2. Hideaway
3. Little Girl
4. Another Man
5. Double Crossing Time
6. What’d I Say
7. Key To Love
8. Parchman Farm
9. Have You Heard
10. Ramblin’ on My Mind
11. Steppin’ Out
12. It Ain’t Right

Musiciens :
John Mayall : Chant, Orgue, Guitare, Harmonica
Eric Clapton : Guitare, Chant
John McVie : Basse
Hughie Flint : Batterie
+
John Almond : Saxophone
Alan Skidmore : Saxophone
Dennis Healey : Trompette

Production : Mike Vernon