Cofondateur avec le guitariste Robert Fripp et le batteur Michael Giles du feu King Crimson, le multi instrumentiste (saxophone, flûte, guitare, clavier, voix…) Ian McDonald s’est éteint le 9 février dernier à l’âge de 75 ans.

Membres fondateurs du King Crimson, Ian McDonald et Michael Giles quittent le roi cramoisi peu de temps après la sortie en 1969 du fracassant de In The Court Of Crimson King pour divergence musicale avec le guitariste binoclard. Tous deux vont former le duo McDonald And Giles et publier en novembre 1970 un disque éponyme sur le label Island. Pour l’occasion, ils vont s’offrir les services du bassiste Peter Giles (frère de Michael et membre du trio Giles, Giles & Fripp qui accouchera de King Crimson), le leader de Traffic et claviériste Steve Winwood ainsi que le tromboniste Michael Blakesley mais également un orchestre dirigé par Mike Gray.

Fait de cinq pistes, ce disque est composé essentiellement de titres initialement prévus pour King Crimson. Certains avaient été écrits avant la parution de In The Court, d’autres joués sur scène dans des versions différentes ou même prévus dans le premier album du Crimso.

Ce Lp tient surtout sur la pièce qui occupe toute la face B, « Birdman » long de 21 mn et en 6 temps. Il s’agit là d’un véritable tour de force de prog aux orientations diverses. Cela débute par des voix célestes, des sons bizarres vaguement inquiétants laissant place à un orgue bucolique accompagné d’une guitare innocente, de chant et de chœurs rassurant ainsi que d’un saxo jazzy. Puis doucement arrive une boucle hypnotique au tempo lent à la fois planante et tendu, qui charme, qui sournoisement séduit, qui nous prend au piège, qui monte en pression par la flûte et les cuivres. Boucle tellement envoutante que l’on ne voudrait pas qu’elle s’arrête. Probablement le point fort de ce disque. Mais sans prévenir on est réveillé de cette transe par des chœurs irréels, un piano féérique sur fond d’orgue quasi religieux. Le tout se termine avec un sax rêveur et une orchestration nostalgique.

Bref une pièce magnifique. Toutefois, si l’on trouve des points d’accord avec In The Court, par le style reconnaissable de Ian McDonald à la flûte et au sax, le jeu subtil et remarquable de Michael Giles à la batterie, la volonté de créer une synthèse entre intensité de l’émotion et la sophistication de l’écriture, puisant son inspiration dans une stupéfiante marmite où bouillonnent jazz, classique, folk, emphase majestueuse, lyrisme éclatant… à l’écoute il est évident que ce disque contraste avec le chemin pris par Robert Fripp, sombre, désenchanté voire nihiliste. Ici règne comme une certaine insouciance, comme une certaine légèreté malgré le mélancolique et court « Is She Waiting » mené par une jolie guitare acoustique. En effet le 33-tours débute de manière paisible avec les 11 mn de « Suite In C » entre vison pastorale, folk, free jazz, orchestration à la Moody Blues, chant à la Beatles pour un final qui vire au rhythm & blues. Suit la magnifique balade « Flight Of The Ibis » où l’on retrouve encore l’influence des Beatles. La face A se conclut avec les 7 mn de « Tomorrow’s People – The Children Of Today » le morceau le plus rock, voire funk avec une guitare électrique subtilement bluesy.

Cet essai, artistiquement réussi n’aura hélas pas de suite. L’année suivante le duo se sépare. Michael Giles mènera une carrière discrète dans diverses collaborations (Jackson Heights, Joël Daydé, Leo Sayer, Anthony Phillips, Bryan Ferry…). Ian McDonald, après un passage dans Red de King Crimson comme invité, forme avec le guitariste Mick Jones (Johnny Halliday, Spooky Tooth) le groupe de hard FM Foreigner.

Titres:
1. Suite in C
2. Flight of the Ibis
3. Is She Waiting?
4. Tomorrow’s People – The Children of Today
5. Birdman (The Inventor’s Dream (O.U.A.T.)/The Workshop/Wishbone Ascension/Birdman Flies!/Wings in the Sunset/Birdman – The Reflection)

Musiciens:
Ian McDonald: Claviers, flute, saxophone, clarinette, cithare, chant
Michael Giles: Batterie, percussions, chant
Peter Giles: Basse
Steve Winwood: Orgue, piano (1)
Michael Blakesley: Trombone (4)

Production: Ian McDonald & Michael Giles