On le sait, Magma est un groupe à géométrie variable avec à sa tête le batteur/leadeur incontesté Christian Vander, épaulé par le fidèle chanteur démoniaque Klaus Blasquiz. Outre ces deux personnages, de l’aventure Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh et Köhntarkösz ne subsiste que la chanteuse Stella Vander. Beaucoup sont partis où ont pris quelques vacances pour voir ailleurs ce qu’il se passe. Notamment le bassiste Jannick Top qui souhaite prêter ses services à divers artistes. Entre temps Magma change de maison d’édition et signe chez Utopia, label nouvellement créé par leur producteur Giorgio Gomelsky.

Une refonte de Magma s’impose. Pour succéder à l’irremplaçable Jannick Top on fait appel au bassiste Bernard Paganotti, une vielle connaissance de Christian Vander. Les deux musicos jouaient en 1966 dans Chinese avant que le batteur ne parte fonder Magma. Pour les claviers (piano, piano électrique, clavinet) ont fait venir Benoît Widemann et Jean-Paul Asseline (ex Rhesus O). A la guitare débarque Gabriel Federow. Mais la nouveauté c’est la venue d’un violoniste, un certain Didier Lockwood.

Bref, voila un Magma rajeuni. Certain sont à peine majeur. Ce qui est le cas de Didier Lockwood. Ce dernier est né le 11 février 1956 à Calais. Issu d’une famille de musiciens, instituteur son père est également professeur de violon qui l’initie à cet instrument. A 13 ans, il intègre l’orchestre lyrique du théâtre municipal de Calais. En 1972 il obtient les premiers prix du conservatoire de sa ville natale ainsi que de la musique contemporaine de la Sacem. Peu de temps après il s’intéresse au jazz et au violon amplifié.

Ce nouveau line-up n’ira pas en studio. Il est part rapidement en tournée pour la promotion de Köhntarkösz. Il est donc décidé que le prochain Lp sera en public et double. Nous sommes dans les années 70 et il est de mode pour les combos rock, plus particulièrement pour les anglosaxons, de publier ce type de disques. Beaucoup se sont fait connaitre par ce biais-là, Ten Years After (Recorded Live), Deep Purple (Made In Japan), Allman Brothers Band (At The Fillmore), Wishbone Ash (Live Dates)… Alors pourquoi pas Magma.

La tournée passe par le Taverne de l’Olympia le 1er et 5 juin 75. Ce sont ces deux concerts qui vont servir de matériel pour le double 33-tours. Intitulé sobrement Live (appelé également suivant les éditions futures Hhaï avec pour certains deux titres suplémentaires, « Ëmëhntëht-Rê » et « Da Zeuhl Wortz Mekanïk ») il est dans les bacs en décembre de la même année. Occasion de savoir de quoi est capable Magma sur scène en support disque. Et là on va être servi. Une claque ! un double 33-tours en concert brut de décoffrage, d’une violence grandiloquente pour une prestation zeuhl d’une beauté effroyable. Plus rien de va repousser après ça !

Promotion de Köhntarkösz oblige, c’est par cette œuvre que débute ce live pour plus d’une demi-heure de musique coupée en deux pour les besoins du vinyle occupant ainsi le premier volume. « Hamataï ! », c’est par ce cri de ralliement que Klaus Blasquiz ouvre la messe. Les éléments se déchainent. Mais l’angélique Stella Vander par ses douces paroles nous souhaite la bienvenue afin que le gourou en pleine transe débute son cérémonial cosmique. La Taverne de l’Olympia se transforme en cathédrale intergalactique kobaïenne. On reconnait bien cette pièce fleuve. Mais sur scène la formation en donne une version différente tout particulièrement Christian Vander. Dans celle studio, son jeu magnifique était contenu afin de jouer sur les climats. Là il rend les coups. Quant aux autres, ils sont à égalité faisant preuve d’une technicité certaine. Et concernant Bernard Paganotti, Magma gagne au change avec sa basse furibarde bourrée au kérozène. Mais on ne peut nier que celui qui se démarque c’est ce merdeux de Didier Lockwood qui hypnotise les foules.

Ses interventions nous tétanisent. Les chorus de son violon électrique nous stupéfient. Il atteint son paroxysme sur « Mëkanïk Zaïn ».  Long de près de 20 mn et occupant la face D, il s’agit d’un modèle réduit de MDK toutefois destructeur, arrachant tout sur son passage. Titre élastique à 200 à l’heure, frénétique où Magma s’en va en guerre contre les forces du mal qui veulent détruire le cosmos. En tête pour motiver les troupes, le jeune violoniste est explosif, insolant. Possédé, rien ne l’arrête. A croire qu’il a bouffé du Mahavishnu Orchestra. Si bien que Christian Vander derrière ses futs n’a d’autres choix que d’élaborer des roulements convulsifs à en perdre haleine pour ne pas se faire éclipser. Jamais Magma n’avait dégagé autant de force, de puissance et de rage. Conquis, les adeptes sont en extase.

Le reste c’est la face C qui propose 3 morceaux avec deux inédits. A commencer par « Hhaï », délicieuse et envoutante chanson qui semble raconter qu’en des temps anciens Kobaïa fut une terre de paix et où les hommes vivaient en harmonie. Il en est de même pour « Lïhns » aux effets irréels et subliminaux. Au milieu, l’intemporel « Kobah » dans au registre funky. Ça surprend mais c’est fort agréable.

Magma Live fait donc parti de ces doubles live à posséder au même titre que les monstres sacrés cités plus haut.

Didier Lockwood ne restera que très peu de temps chez Magma, jugeant sa musique trop violente. Il débutera une carrière solo et multipliera les collaborations. De renommé internationale, il décède le 18 février 2018 à l’âge de 62 ans. Cette chronique lui est dédiée.

Titres :
1. Köhntark (Part 1)
2. Köhntark (Part 2)
3. Kobah
4. Lïhns
5. Hhaï
6. Mëkanïk Zaïn

Musiciens :
Christian Vander : Batterie
Klaus Blasquiz : Chant
Stella Vander : Chant
Gabriel Federow : Guitare
Bernard Paganotti : Basse
Didier Lockwood : Violon
Benoît Widemann : Claviers
Jean-Pol Asseline : Claviers

Production : Giorgio Gomelsky