Après la sortie de Mr. Fantasy en 1967, le succès est au rendez-vous pour Traffic. Sauf que voilà, le disque n’est pas encore dans les bacs que le guitariste Dave Mason quitte ses compagnons de route pour divergence musicale. Il lui est reproché de composer en solo, peu prompt à collaborer. Le jeune organiste/chanteur Steve Winwood se retrouve avec deux problèmes sur le dos. D’abord il doit en concert assurer plusieurs instruments pour pallier le manque, ce qui nuit forcément à la qualité. Le batteur/chanteur Jim Capaldi et le saxophoniste/flûtiste Chris Wood se cantonnant à leurs instruments. De plus Dave Mason est une force créatrice que l’on ne peut négliger même si celui-ci est peu enclin aux compostions aventureuses contrairement aux trois autres musiciens. Il est donc négocié son retour pour le second album, éponyme, imprimé en octobre 1968 pour le compte d’Island. A noter qu’entretemps, à l’exception de Jim Capaldi, tous participent (de manière séparée) au double 33-tours Electric Ladyland.

Beaucoup attendent une suite à Mr. Fantasy. Nombreux ceux qui vont déchanter. Car le quatuor offre un disque loin des références psyché aux paroles sous acides qui caractérisent l’opus précédent. Dès le titre d’ouverture, « You Can All Join In » aux propos country, on comprend rapidement que l’on a affaire à un Lp de folk/rythm & blues direct et sans artifices. Les titres suivants sont loin de démentir ce ressenti comme « Pearly Queen » limite agressif avec de rares moments nous renvoyant aux errances de Mr. Fantasy, le joli « Don’t Be Sad » et son harmonica chaleureux, « Who Knows What Tomorrow May Bring » plus bluesy, « Means to an End » en conclusion. Mais surtout il y a le soul langoureux « Feelin’ Alright? », un hit repris l’année suivante par Joe Cocker.

De là à dire que ce 33-tours est mauvais et que le groupe rétropédale serait exagéré. Les titres précités sont excellents. Mais à la première écoute il faut bien avouer que cela déconcerte. Toutefois, Traffic va proposer une autre facette avec des pistes plus complexes, flirtant avec le prog alors embryonnaire en jouant sur les tempos et les climats. Nous voilà charmés par une flûte rêveuse dans « Roamin’ Thru’ the Gloamin’ with 40,000 Headmen » aux effets exotiques. Cette même flûte joviale que l’on retrouve sur « Vagabond Virgin » fait de fraicheurs et de piquants. Nous sommes bluffés par le refrain accrocheur à pleurer sur « Cryin’ to Be Heard », traversé d’un clavecin gothique et d’un orgue au groove puissant. Sans parler de « No Time to Live », balade à l’ambiance dramatique, feutrée, étrange, magique avec ce sax qui tire vers le jazz et ce chant désespéré.

Après la sortie de ce second vinyle, Traffic part en tournée aux Etats-Unis et pond quelques singles. Mais ne trouvant pas son compte, Dave Mason claque la porte une nouvelle fois provoquant la séparation du quartet. De toute façon, Steve Winwood à la tête ailleurs. En effet, Eric Clapton qui en a fini avec Cream le contacte pour former un super groupe.

Titres :
1. You Can All Join In  
2. Pearly Queen         
3. Don’t Be Sad         
4. Who Knows What Tomorrow May Bring
5. Feelin’ Alright?     
6. Vagabond Virgin  
7. Forty Thousand Headmen
8. Cryin’ To Be Heard           
9. No Time To Live  
10. Means To An End

Musiciens :
Steve Winwood : Chant, Claviers, Guitare, Basse
Dave Mason : Chant, Guitare, Basse
Chris Wood : Flûte, Saxophone
Jim Capaldi : Batterie, Chant

Production : Jimmy Miller