Tout roule pour Bonnie RAITT. Après avoir décroché le Saint-Graal avec Nick Of Time en 1989, elle a plus que confirmé avec Luck Of The Draw en 1991 qui a été certifié 7 fois platine aux USA, ayant à son actif un nouveau record de ventes.

C’est donc confiante qu’elle regagne le chemin des studios pour enregistrer son (déjà) 12ème album studio. Elle s’implique même dans le travail de production en compagnie de Don Was (comme pour le précédent album). Ce fameux 12ème album de Bonnie RAITT a pour titre Longing In Their Hearts et sort le 22 mars 1994.

Depuis 1991, le contexte musical a changé aux USA puisque, dans le giron du Rock, c’est le Grunge qui est au centre des attentions. Seulement, Bonnie RAITT n’en a rien à foutre du Grunge, un style qui ne cadre pas avec ses aspirations musicales et qui indiffère le gros de son public (majoritairement adulte, ce que n’étaient pas la plupart des fans de Grunge). La native de Burbank propose un album qui navigue entre Blues-Rock et Soft-Rock. Parmi les 12 titres de l’album, 5 ont été écrits ou co-écrits par ses soins.

3 singles ont été extraits du disque. « Love Sneakin’ Up On You », co-écrite par le duo de songwriters Tom Snow/Jimmy Scott, est une compo Pop-Rock funky aux relents bluesy  qui est élégamment arrangée, passe bien la rampe grâce à la voix de Bonnie RAITT au poil, au refrain fédérateur repris en choeurs et, anti-prise de tête, prend franchement le contrepied des tendances du moment. Ça n’a d’ailleurs pas empêché ce titre de connaitre un succès appréciable à échelle internationale: 19ème aux USA, 69ème en Grande Bretagne, 71ème en Allemagne et surtout n°1 au Canada (ça reste son unique n°1 dans sa carrière et il parait qu’à l’époque, Courtney Love n’en dormait plus de la nuit 😂). « You », écrite à plusieurs mains (John Shakns, Bob Thiele Jr. & Tonio K.), est une ballade épurée, apaisante, douce, dans les standards de la chanteuse californienne, marquée par la présence d’un petit solo de mandoline et se laisse écouter. Celle-ci s’était classée 16ème au Canada, 31ème en Grande Bretagne et 92ème aux USA.  Le dernier single de l’album, « Storm Warning », est une cover d’une chanteuse danoise nommée Sanne Salomonsen (dont les origines remontent à 1991) et Bonnie RAITT en a fait une version soft, une ballade feutrée, dépouillée et si elle reste passable, elle n’est pas pour autant primordiale. D’ailleurs, son impact fut quasiment nul puisqu’il n’y a qu’au Canada (36ème) qu’il a obtenu un accessit.

Au-delà de ces singles, plusieurs bons titres sont à relever sur cet album. C’est le cas de « Longing In Their Hearts », une compo qui jongle adroitement entre Country, Pop et Heartland-Rock, se révèle accrocheuse en faisant  taper du pied, en fleurant bon l’Amérique terroir, anti-stress et fait un bien fou dans les esgourdes; de « Hell To Pay », une compo Blues-Rock groovy enrobée de superbes textures de guitares chaloupées, de mélodies chatoyantes qui accroche bien l’oreille, de « Feeling Of Falling », une compo de 6’17 entre Soft-Rock et Blues-Rock FM bien construite qui met en valeur chaque instrument, voit une Bonnie RAITT tantôt silenceuse, tantôt posée, tantôt donnant plus de voix avec fermeté et qui se révèle addictive. Ça, ce sont les titres composés par la native de Burbank. Quelques bonnes reprises méritent d’être mentionnées à leurs côtés: « I Sho Do », du groupe de Cajun/Rock THE BLUERUNNERS, date de 1991 et apparait dans une version Blues-Rock mélodique superbement exécutée avec des cuivres raffinés, des choeurs Soul sur le refrain; « Dimming Of The Day », de Richard & Linda THOMPSON (qui est de 1975), est une chanson Folk acoustique fort agréable qui apaise, d’autant que Bonnie RAITT s’est ici livrée à une jolie performance vocale sans faille et les choeurs masculins l’épaulent efficacement sur le refrain; « Steal Your Heart Away », de Paul BRADY (une chanson de 1987), se montre ici dans une version Soft-Rock jazzy avec une basse bondissante, des mélodies ciselées, un chant posé et donne envie de mieux connaitre l’original. Quand à « Shadow Of Doubt », c’est une chanson écrite Gary Nicholson qui papillonne entre Folk, Blues et Country, se signale par son atmosphère champêtre, ainsi que la présence d’un harmonica qui se greffe à l’occasion à un ensemble axé sur les guitares sèches et s’avérait fort plaisante, idéale pour s’extirper des tendances de l’époque (on est très loin des « MTV Unplugged » de l’époque). Par contre, la ballade feutrée « Circle Dance » et « Cool, Clear Water », une compo Soft-Rock/Folk-Rock avec un beat Reggae, sont des chansons (signées Bonnie RAITT) quelconques, transparentes et donc pas inoubliables.

Dans l’ensemble, Longing In Their Hearts est un album de bonne facture, même si, qualitativement, il peut être situé un cran en dessous de Nick Of Time et Luck Of The Draw. Bonnie RAITT apparait comme libérée, sereine et cela s’en est ressenti dans les compos qui sont anti-prise de tête, ont un état d’esprit positif. En ce sens, Longing In Their Hearts prenait le contre-pied des tendances en vogue de l’époque et pouvait alors être perçu comme une alternative à ce qui marchait (il serait d’ailleurs intéressant de connaitre le pourcentage de fans de Hard Rock et de Heavy Metal ayant acheté cet album). Si Longing In Their Hearts n’a pas réitéré les mêmes chiffres de vente que les 2 précédents albums (disque 2 fois platine à domicile, tout de même), il s’est tout de même classé n°1 aux USA et a passé 47 semaines dans le Billboard US. Il s’est par ailleurs classé 7ème en Nouvelle-Zélande, 26ème en Grande Bretagne, 27ème en Australie, 34ème aux Pays Bas, 36ème en Suède, 40ème en Suisse, 70ème en Allemagne.

Tracklist:
1. Love Sneakin’ Up On You
2. Longing In Their Hearts
3. You
4. Cool, Clear Water
5. Circle Dance
6. I Sho Do
7. Dimming Of The Day
8. Feeling Of Falling
9. Steal Your Heart Away
10. Storm Warning
11. Hell To Pay
12. Shadow Of Doubt

Line-up:
Bonnie Raitt (chant, guitare acoustique, slide guitare, claviers, piano, orgue, cuivres)
+
George Marinelli (guitare)
Mark Goldenberg (guitare)
Randy Jacob (guitare)
Richard Thompson (guitare acoustique)
Stephen Bruton (guitare)
James « Hutch » Hutchinson (basse)
Don Was (basse)
Buell Neidlinger (basse acoustique)
Ricky Fataar (batterie)
Paulinho Da Costa (percussion)
Debra Dobkin (grosse caisse celtique)
Jon Clarke (flûte, cor anglais)
The Memphis Horn (cuivres, saxophone, trombone, trompette)
Marty Grebb (saxophone, cuivres)
Charlie Musselwhite (harmonica)
Paul Brady (flûte, guitare acoustique)
Scott Thurston (claviers)
Bob Thiele Jr. (synthés, accordéon)
Benmont Tench (orgue Hammond, claviers)
Mitchell Froom (harmonium)

Label: Capitol

Producteurs: Bonnie Raitt & Don Was