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Dans les années 60, il semble que tous les jeunes Anglais forment des groupes de Rock. C’est le cas du guitariste Dave Hill et du batteur Don Powell. Ensemble, ils forment les Ventors qui deviennent bien vite les ’N Betweens. Un an après leur formation, en 1965, ils arrivent à persuader le chanteur et guitariste d’un groupe concurrent de les rejoindre. Son nom: Noddy Holder. Peu de temps après c’est le bassiste Jim Lea, à la base violoniste, qui les rejoint. La formation est déjà en place, mais la route pour le succès sera longue. Leur premier single, « You Better Run », produit par Kim Fowley, ne marque pas au delà d’un intérêt régional dans leur Midland natal. Après quatre ans de galère, le groupe arrive à signer avec un label mais à la condition de changer de nom. A contre-coeur, les ’N Betweens optent pour Ambrose Slade et sortent leur premier album, Beginnings, en 1969. Si l’album ne rencontre aucun succès, il attire l’attention de Chas Chandler, ancien bassiste des Animals et manager de Jimi Hendrix. Celui leur fait raccourcir leur nom en Slade et, voulant créer la sensation, les transforme en skinheads dont le mouvement fait la une en Angleterre. En pleine période Peace & Love, un groupe de Rock skinhead attire en effet l’attention, mais cela ne suffit pas pour faire décoller les ventes des singles ou de leur deuxième album, Play It Loud. Le seul avantage: aucun organisateur de concert ose ne pas les payer.

Finalement, en 1971, Slade laisse de côté le look skinhead et se laisse pousser les cheveux à nouveau. A la suggestion de Chandler, ils enregistrent une reprise de « Get Down And Get With It » du chanteur de Rhythm ’n’ Blues Bobby Marchan qui faisait partie de leur répertoire live depuis des années. L’intensité que le groupe, et particulièrement ce gueulard de Noddy Holder, a en concert est communicative sur le single qui cette fois arrive à se classer dans le Top 10 britannique. Holder et Lea commencent également à composer ensemble. Le première collaboration, mélangeant Rock et musique folklorique, « Coz I Luv You » sort en single… et ce retrouve catapulté en première place des ventes ! Devant ce succès, le groupe remet le couvert avec « Look Wot You Dun » qui monte à la quatrième place. Il semble évident que ce sont les titres du duo, à l’orthographe très particulière, qui feront les fondations du succès de Slade. Le groupe se rattache alors au courant Glam Rock, chose qui peut surprendre, les membres du groupe n’ayant clairement pas le look de playboys permanentés qui sera associé au genre dans les années 80, mais plutôt celui qu’on est en droit d’attendre de membres de la classe ouvrière de la campagne anglaise. Ce serait oublier que le Glam Rock anglais se définissait plus par les costumes extravagants et clinquants que par des visages de tombeurs. D’ailleurs, à quelques rares exceptions (Marc Bolan, Bryan Ferry et Brian Connolly de Sweet), les musiciens de Glam Rock des 70’s étaient loin d’avoir des physiques de mannequins.

Le premier album live du groupe, Slade Alive!, sorti en 1972, achève de les installer dans les rangs des nouveaux artistes à succès du Rock britannique. Leur succès va même jusqu’en Australie, ce qui verra le groupe y effectuer une tournée – chose rare à l’époque pour un groupe anglais – avec Status Quo en première partie. « Take Me Bak ‘Ome » devient leur deuxième numéro 1 anglais et fait même une timide entrée dans le Top 100 américain, bientôt suivit par un troisième, « Mama Weer All Crazee Now » toujours pour le seule année 1972. L’année se termine pour le groupe avec leur troisième album, Slayed?, qui reste encore aujourd’hui une des références du courant Glam Rock. Deuxième single issu de l’album après « Mama Weer All Crazee Now », « Gudbuy T’ Jane » manque de peu la première place et s’impose un peu partout dans le monde à part – comme d’habitude – les Etats-Unis où il ne dépasse pas le 68ème place. C’est à cette époque qu’Holder commence à porter le chapeau haut de forme à miroirs qui deviendra sa caractéristique.

1973 commence tout aussi bien avec « Cum On Feel The Noize » qui monte à la première place dès sa sortie. « Sweeze Me, Pleeze Me » suit le même parcourt et le groupe joue dans les plus grandes salles du pays, comme Earl’s Court, ou les plus prestigieuses, comme le London Palladium. Comme s’il fallait payer un coup pour tout cet énorme succès, Don Powell, le batteur subit un grave accident de voiture qui coute la vie à sa copine et manque de le tuer également. Son état est tellement grave qu’on l’on doute qu’il puisse un jour jouer à nouveau de la batterie. Heureusement, l’état du batteur s’améliore et il peut enregistrer « Merry Xmas Everybody » qui reste à ce jour l’une des chansons Rock de Noël les plus populaires (et plus réussies). Mais l’accident ne sera pas sans séquelle, provoquant de courtes pertes de mémoire qui l’handicaperont souvent en concert.

Après six numéros 1 et de nombreux autres tubes (dont « Everyday » et « The Bangin’ Man », tous les deux numéro 3 en 1974), Chandler propose à Slade de faire un film. Ce sera Flame. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser vu les autres films mettant en scène des Stars du Rock et avec un groupe proposant une musique joyeuse comme Slade, le film offre un regard sans concession sur la dureté pour un groupe de percer dans le business musical. Comme bon nombre de films de groupes (à l’exception des premiers des Beatles), ce sera un échec, mais la bande-originale offrira un nouveau succès, « Far Far Away » (numéro 2). « How Does It Feel », plus Pop, n’arrivera pourtant pas plus haut que la quinzième place. Voulant à tout prix percer en Amérique, Slade s’y embarque pour deux ans, mais sans succès. Leur accent prononcé, leur look extravagant et le côté sans prise de tête de leur musique ne semble pas ce que cherche le publique américain de l’époque en pleine désillusion suite aux problèmes auxquels les Etats-Unis font face. Quiet Riot tirera les marrons du feu plus tard, lorsque le temps sera revenu à la fête. Comble de malchance, ne pouvant pas défendre leur nouvel album, Nobody’s Fools, dans leur pays, les ventes seront décevantes pour un groupe habitué aux sommets comme Slade.

Lorsqu’ils rentrent enfin chez eux, nous sommes en 1977, en pleine furie Punk. Le Glam Rock est bel et bien passé de mode et Slade arrive trop tard pour arriver à faire une transition. Pourtant, des groupes de Glam, Slade était celui dont le son était le plus brut, le plus Hard et donc le plus enclin à trouver sa place dans la nouvelle scène. Mais l’éloignement de son public ainsi que leur look trop haut en couleur les classent dans la catégorie des has-been. Pourtant, le groupe sort de bons albums avec Whatever Happened To Slade, en 1977, ou Return To Base en 1979, mais ni eux ni les très bons singles indépendants « Burning In The Heat Of Love » et « Rock ‘n’ Roll Bolero » ne rencontrent le succès. Slade est au bord de la rupture et, devant la chute des ventes, Dave Hill se reconvertit en chauffeur de mariage à bord de sa Rolls.

Et puis le miracle a lieu. Alors qu’Ozzy Osbourne se désiste à la dernière minute du festival de Reading en 1980, Slade est appelé pour sauver la fête. Dave Hill n’y croit guère mais est convaincu de participer à ce qui semblait être le concert d’adieu du groupe. Pourtant le groupe créé la surprise, rappelant aux nouveaux fans de Hard Rock à quel point Slade était un groupe de bêtes de scène. Entre ce succès britannique et la monté du Glam Metal aux Etats-Unis (dont la majorité se revendiquent ouvertement de Slade), le groupe se retrouve une seconde jeunesse et arrive même enfin à percer en Amérique. Till Deaf Do Us Part, en 1981, remporte un joli succès en Europe (quoique bien éloigné du début des 70’s) tandis que The Amazing Kamikaze Syndrome, porté par les singles « Run Runaway » et « My Oh My », entre dans le Top 40 américain. Le reste des albums sortis dans les années 80 ne marchèrent pourtant pas aussi bien malgré de bonnes choses. La raison principale étant l’arrêt des tournées en 1984 due à des problèmes de santé de Jim Lea. Si deux albums sortirent encore (Rogues Gallery en 1985, You Boyz Make Big Noize en 1987), il semblait bien que sans concert Slade avait perdu sa raison d’exister. En 1992, Holder décide de quitter le groupe pour tenter d’autres aventures (DJ, comédien…). Ne voyant pas l’intérêt d’un Slade sans son chanteur si caractéristique et partenaire d’écriture, Lea quitta le groupe également. Depuis, Hill et Powell ont continué à faire vivre le groupe, d’abord sous le nom de Slade II puis, à l’arrivée du troisième millénaire, simplement comme Slade. Mais sans la voix de Holder et de nouvelles compositions des deux têtes pensantes, tout cela n’alla jamais plus loin que des tournées nostalgiques permettant aux deux musiciens de gagner leur croûte.

Aujourd’hui il peut sembler incroyable qu’un groupe qui eu un succès aussi énorme que Slade et autant de tubes soit quasiment oublié en dehors des vieux fans. Une reformation des quatre membres pourrait peut-être changer un peu les choses, mais celle-ci semble avoir bien peu de chances d’arriver…