En 1970, Larry Coryell quitte le quartet du xylophoniste Gary Burton. Après son 3ème Lp Spaces, il se lance en trio avec l’aide du batteur Harry Wilkinson et du bassiste Mervin Bronson et part pour quelques concerts qui passent au Village Gate de New York le 21 et 22 janvier 1971. Ce sont ces prestations live qui vont servir de matériel pour le 4ème effort du guitariste texan intitulé sobrement At The Village Gate dans les bacs peu de temps après pour le compte de Vangard.

Il faut préciser que le Village Gate est une salle spécialisée jazz. Si on ne peut nier que ce disque s’influence de jazz, on ne peut pas dire réellement qu’il s’agisse d’un 33-tours du genre et encore moins de jazz rock. On peut toutefois évoquer (et encore) du jazz fusion sur « Can You Follow? » une reprise de Jack Bruce (avec qui Larry Coryell a eu l’occasion de jouer) pour un morceaux tendu, hendrixien où la menace est palpable à chaque instant avec variations de tempos et démonstration de forces.

Car il faut bien l’avouer, le combo nous offre un disque de heavy metal ravageur pour musiciens confirmés où va planer le fantôme d’Hendrix. Style qui contraste avec l’illustration de la pochette où l’on observe notre ami binoclard venu avec sa famille et deux potes bon pour aller à une fête foraine ou à un pique-nique.

Ainsi le groupe se voit transformer en power trio à l’image du Jimi Hendrix Expérience et de Cream qu’affectionne Larry Corryell. Certes il y cette compo donnée par Chick Corea, « Entardecendo en Saudade » qui peut prêter à confusion. Mais à l’écoute, on a du mal à croire qu’elle est signée du pianiste américain. Galopant au mid tempo, le trio nous embarque dans un trip sombre, pesant, acid rock pour fan de stoner à sensation forte.

Le disque s’ouvre par le bien nommé « The Opening » avec la voix nasillarde de Larry Coryell pour un blues déstructuré, métalloïde et rampant avec cette doublette rythmique au pas et cette six-cordes électrique corrosive, malsaine, sous acide, abusant allégrement de la wah-wah. Instrumental, « After Later » (la aussi bien nommé) est dans le genre hard rythm & blues psyché un brin funky qui sent les nuits chaudes et la sueur mais surtout à faire pâlir Black Sabbath.

Mais l’attraction de ce vinyle est incontestablement la piste finale « Beyond These Chilling Winds » longue de 8 mn avec Julie Coryell, épouse du guitariste qui l’accompagne au chant. Le début est tranquille pour une balade rock folk fort sympathique à la Jefferson Airplane un soupçon orientalisant (là ça colle avec la photo). Mais au bout de 2 mn 30 les musicos vont se lâcher tout particulièrement Larry Coryell pour un hard rock destructeur bourré au kérozène tant dans les riffs et que dans les interminables soli. Jamais sa Gibson Les Paul n’a été aussi sauvage, aussi indomptable, aussi dévastatrice tout en étant chargée en émotion. Moment de grâce que l’on ne retrouvera probablement plus chez le pistolero de la six-corde électrique. Ici Larry Coryell montrait quel champion de la guitare hard rock il aurait pu devenir au même titre que Jimmy Page et Ritchie Blackmore. Mais il prendra une autre voie.

A ce jour mon disque préféré de Larry Coryell.  

Titres :
1. The Opening
2. After Later
3. Entardecendo En Saudade
4. Can You Follow? (Dance On The Green Hill)
5. Beyond These Chilling Winds

Musiciens :
Larry Coryell : Guitare, Chant
Harry Wilkinson : Batterie
Mervin Bronson : Basse
+
Julie Coryell : Chant

Production : Jack Lothrop