L’histoire des Eagles, si fructueuse commercialement et artistiquement, s’achève dans le sang. Glenn Frey s’est mis le reste du groupe à dos (il avait déjà été la cause du départ de Randy Meisner). Don Felder, bien sûr, avec qui la relation était houleuse depuis longtemps (et le restera par la suite), mais aussi Don Henley. Cette rupture des deux leaders, des deux fondateurs restants sera fatale au groupe qui explose en plein vol. Mais avant de signer la fin de la récréation, Elektra rappelle à ses turbulentes poules aux oeufs d’or qu’elles lui doivent encore un album. Par soucis de facilité, ce sera un live. Témoins de l’ambiance exécrable, l’album sera retravaillé sur les deux côtes des Etats Unis. La Californie pour Frey, la Floride pour le reste, l’absence de toute communication directe entre les deux parties étant là pour le prouver (ainsi que les crédits listant pas moins de cinq avocats).

La majeur partie de l’album couvrira leur dernière tournée de 1980 (essentiellement lors de trois dates à Santa Monica), même si l’on retrouvera cinq extraits de 1976, tournée de Hotel California où Meisner était encore présent (et permettant d’avoir son hit « Take It To The Limit »). Conséquence, On trouvera surtout un groupe restituant quasi tel quel ses morceaux. Avec classe, mais sans passion et certainement sans les longues passes d’armes entre Felder et Joe Walsh qui avaient fait le sel des concerts du groupe à une époque. La preuve avec cette version sympa mais bien trop sage du Rock « Life In The Fast Lane ». Légère exception, « Life’s Been Good », titre solo de Walsh qui avait été son plus gros succès single, mais même là les parties instrumentales ne s’envolent jamais complètement. Et on aurait préféré voir le groupe s’éclater sur « Rocky Mountain Way » ou « Walk Away », titres de son répertoire que je trouve meilleur ou du moins plus emblématiques. On sera plus séduit par « All Night Long », son dernière single en date pour la B.O. de Urban Cowboy, même si on ne peut pas s’empêcher de penser que quelques années plus tôt le résultat aurait été plus incendiaire dans l’interprétation.

Néanmoins, si on regarde cet Eagles Live juste comme un best of live, le cahier des charges est rempli. Et si les versions de « Hotel California », « Heartache Tonight », « New Kid In Town » et « Take It Easy » ne sont peut-être pas aussi étourdissantes qu’elles auraient pu l’être, elles restent de très bonne facture. Bien interprétées et avec un son sans reproche. On remarquera tout de même au passage quelques absents de taille comme « Lyin’ Eyes » et surtout le tube « One Of These Nights » au profit de la reprise de « Seven Bridges Road » de Steve Young, faisant figure d’inédit (et de single), sans doute pour consoler le label que le groupe ait refusé d’enregistrer deux nouveaux titres pour l’occasion. Mais si on prend plaisir au travail d’harmonies vocales comme toujours incroyable, le titre en lui-même ne l’est pas suffisamment pour nous ôter le regret de ne pas avoir droit aux grands titres manquants à l’appel.

Bref, si le résultat est suffisamment bon pour qu’on prenne du plaisir à son écoute (et c’est ce que dû se dire le public qui en fit un gros succès commercial), on ne peut s’empêcher d’être un peu frustré par le côté sage et convenu de ce premier live des Eagles, surtout avec des solistes aussi géniaux que Felder et Walsh dont des interventions plus franches et longues auraient pu apporter un net plus. Mais évidemment, cela aurait peut-être un peu trop écrasé les égos surdimensionnés de Frey et Henley…

Titres:
CD1:
1. Hotel California
2. Heartache Tonight
3. I Can’t Tell You Why
4. The Long Run
5. New Kid in Town
6. Life’s Been Good

CD2:
1. Seven Bridges Road
2. Wasted Time
3. Take It To The Limit
4. Doolin-Dalton (Reprise II)
5. Desperado
6. Saturday Night
7. All Night Long
8. Life In The Fast Lane
9. Take It Easy

Musiciens:
Don Henley: Chant, batterie
Glenn Frey: Chant, guitare, claviers
Joe Walsh: Guitare, claviers, chant
Don Felder: Guitare, orgue, choeurs
Timothy B. Schmit: Basse, chant (sauf 1.5, 2.2, 2.3, 2.4, 2.5)
Randy Meisner: Basse, chant (1.5, 2.2, 2.3, 2.4, 2.5)
+
Joe Vitale: Claviers, batterie
Jage Jackson: Guitare
Albhy Galuten: Synthétiseur
Jim Ed Norman: Piano
David Sanborn: Saxophone
Phil Kenzie: Saxophone (1.4)
Vince Melamed: Piano (1.5)
J.D. Souther: Guitare, chant (1.5)

Production: Bill Szymczyk